Disons-le d’entrée, sans faux-semblants. Nos jeunes générations (17-30 ans) traversent des temps incertains qui pourraient fracturer les racines imprégnant toute notre société.
De quoi parlons-nous ? Il suffit d’évoquer le sujet avec les parents d’adolescents, d’étudiants, de jeunes gens entrant sur le marché du travail, pour faire le terrible constat qu’une grande majorité d’entre eux est en perte de repères, et n’a aucune foi en l’avenir. Pire, certaines classes d’âge seraient au bord de la déroute.
Une étude, conduite après la pandémie de Covid, auprès de 2 000 étudiants âgés de 17 à 21 ans de l’université de Bordeaux, donne froid dans le dos. On aurait pu croire, qu’avec la fin de l’épidémie, les étudiants iraient mieux. En réalité, les remontées du service de santé ont au contraire montré qu’ils n‘allaient pas bien du tout. Leur santé mentale et leur bien-être physique sont au plus mal.
On note ainsi une forte augmentation de la symptomatologie dépressive. Là où avant le Covid, 25 % des étudiants disaient ne pas aller bien et avoir des idées noires, leur taux est passé à 40 % ! Pire, on relève une explosion du risque de pensées suicidaires à 50 %… Constats universels, quels que soient les pays, les mentalités, les différents systèmes de santé.
Les confinements successifs, les cours en distanciel portent bien entendu leurs lots de responsabilités privant cette tranche d’âge de relations sociales à un moment crucial pour son développement psychologique et son développement personnel. La solitude tient le haut de la corde : 70 % se disent se sentir assez souvent ou très souvent seuls. Ceci, alors même que le fort sentiment de solitude est un indicateur très puissant de la souffrance psychique. Au bout du compte, le constat est terrible : augmentation record du niveau de stress / anxiété et dépression / forte perte d’estime de soi / troubles du sommeil accrus / nette progression de la consommation d’alcool et de stupéfiants (57 % des 17-21 ans disent avoir consommé l’un de ces derniers ces douze derniers mois). Notre jeunesse semble perdue.
S’ajoutent à tout cela des problèmes qui les dépassent complètement : réchauffement climatique / instabilité politique et guerres dans de nombreuses zones du monde / flambées urbaines / insécurité / inflation… Le cocktail est explosif. Ils se sentent, de plus, culpabilisés d’être à l’origine de bien des maux que traverse notre société et ont le sentiment d’être montrés du doigt.
Leurs angoisses sont aussi étroitement liées à une question récurrente : quel monde se prépare demain ? Un monde sans eau, constitué de terres arides impropres à l’agriculture. Un monde croulant sous la surpopulation, menacé de toutes parts par la montée des eaux et les vagues migratoires incontrôlées. Tout ceci étant bien entendu conforté par les moralisateurs de tous poils brandissant à longueur de temps (et bien relayés) leurs discours moralisateurs.
Résultat : les 17-35 ans s’isolent de plus en plus, sont de plus en plus nombreux à ne pas envisager fonder une famille, et encore moins avoir des enfants. En février 2023, une étude conduite par l’IFOP montrait que 43 % des jeunes français de 18 à 25 ans n’avaient connu aucun partenaire sexuel durant l’année écoulée. Cette abstinence volontaire ou non s’accélère. Il y a 8 ans, « seulement » 25 % des jeunes concernés ne déclaraient aucun rapport sexuel pour l’année écoulée.
Parallèlement, en constante augmentation, les célibataires sont également de plus en plus jeunes. Ce phénomène récent est principalement dû à une peur croissante de l’engagement : ainsi, en France, 30 % des 18-35 ans sont célibataires et même 50 % à Paris. De 9 millions en 1999, ils sont aujourd’hui 14 millions dans notre pays.
Et tout pousse à l’isolement, au repli sur soi. Dans un monde où tout est communication, où l’immédiateté de l’information prime, une tendance inverse s’affirme. Les nouvelles technologies, à priori dévolues à faciliter les échanges, provoquent l’effet contraire. Téléphones portables / SMS / tablettes et ordinateurs / réseaux sociaux / internet… très haut débit devaient œuvrer au développement des liens sociaux. A l’inverse, ils invitent au repli. Télétravail, à domicile, loin de tout le monde. Le téléphone portable, qui est avant tout fait pour téléphoner, permet en fait à son propriétaire de s’adonner seul à des jeux vidéo. La tablette numérique devient surtout un excellent support pour visionner, seul, enfermé dans sa chambre, quelque série proposée par les nouvelles plateformes numériques.
Ces mêmes parents, en dressent majoritairement le constat : notre jeunesse s’isole, devient ultra-individualiste et angoissée. A notre époque, pas si lointaine, toutes ces nouvelles technologies n’existaient pas. On sortait entre copains et copines. On allait jouer ensemble au tennis. On se faisait, dès que possible, des sorties. On allait en boîte de nuit, en toute quiétude… Bref, on tissait du lien social. On a un peu l’impression, que nos enfants sont de plus en plus seuls, sont en perte de repères. Un exemple revient souvent. Ils en sont à s’accaparer des musiques de notre époque. David Bowie / Etienne Daho / Matt Bianco / Bronski beat / A-Ha / Queen… Toute la musique des années 80, car celle de leur époque est bien pauvre…
Comme en tout, il ne s’agit pas uniquement de regarder le monde au travers d’un voile noir. Mais les sujets de préoccupation sont bien là. Faut-il s’en inquiéter ?