Longtemps concentrés sur Paris, sur les métropoles, sur l’extension et le développement des zones urbaines, il paraît de plus en plus urgent que les regards se tournent vers le monde rural.
Si de nombreux préjugés discriminent encore nos campagnes, ces espaces ne sont pas pour autant à opposer aux villes et aux agglomérations. Loin de subir un quelconque « apartheid » géographique et social dénoncé par des spécialistes du raccourci et de la formule, la France concentre au contraire un modèle très complémentaire, mais dont la cohésion, la cohérence et l’équilibre mériteraient de gagner en maturité et en efficacité.
Non, la modernité n’est pas un mouvement contradictoire avec ce qui était autrefois qualifié de rustique et de champêtre ! Il réside en nos campagnes un juste équilibre entre tradition (patrimoine, savoir-faire, agriculture…) et modernité.
Mais disons-le clairement, les ruraux ont de plus en plus l’impression d’être exclus, voire même parfois abandonnés : les services publics de proximité se font de plus en plus rares, les commerces et les professions libérales délaissent nos campagnes, les nouvelles technologies, quant elles sont là, le sont avec 10 ans de retard (il suffit, pour s’en convaincre de regarder en Dordogne)…
A rebours de la recherche d’un gain permanent, nos campagnes attirent cependant de nombreux nouveaux arrivants. Et pas uniquement des enfants du pays qui auraient rejoint pendant leurs études ou leurs premières années de vie active des centres urbanisés, ni même des professionnels de l’agriculture ou encore des retraités en recherche de plénitude, tout bonnement des gens qui fuient les désagréments généreusement concentrés dans les villes : stress, perte de temps dans les transports, petits logements extrêmement chers, pollutions et autres réjouissances.
Il ne s’agira pas là d’excommunier les urbains, ni de convertir les amoureux du périphérique. Mais le constat est que la ruralité devient attractive et présente de très nombreux atouts (sociaux, économiques, culturels…).
Le défi est donc d’accompagner cette transition sociétale et de résoudre un paradoxe qui pourrait paraître insoluble : la productivité peut-être le pendant d’une qualité de vie sans pareille que seule la ruralité peut désormais offrir.
Mais, à l’heure où certains politiques ont une propension à tout vouloir rassembler, l’administration et le fonctionnement de nos communes à travers des réformes dont la communication importe plus que le fond, sous couvert de rationalisation et de maîtrise de la dépense publique (!!!!…), il serait grossièrement erroné de vouloir concentrer tous les services et de ne plus irriguer nos campagnes.
Bien entendu, l’heure n’est plus aux dépenses superflues et aux comptoirs fantômes, mais il faut construire un pays, un territoire, comme un réseau avec des dessertes et non comme un guichet unique urbain.
Sur le terrain, les collectivités territoriales sont de loin plus modernes dans leurs approches que l’Etat, plus réactives, dans le mouvement, la prise d’initiative. Bien qu’acculées par les baisses de dotation de l’Etat, ces institutions républicaines de proximité sont pour autant indispensables au quotidien des habitants des campagnes. Investir est aussi leur mission pour préserver patrimoine et terroirs.
La solidarité, le lien social, l’entraide, le développement économique, l’accès à la culture et au sport, le logement, l’éducation… sont au cœur des préoccupations des communes. Alors pourquoi forcer ces dernières à des soi-disant mariages de raison ? Alors pourquoi, à coup de lois et de décrets froids comme des serpents, obliger la création d’immenses Communautés de communes sans aucune cohérence territoriale et pour uniquement faire poids face aux agglomérations ? Ce n’est pas du tout ce que les habitants des zones rurales souhaitent. Au nom de quoi, quelques-uns, très minoritaires, décideraient de ce que doit être le bonheur de cette immense majorité rurale ?
Il n’est que temps de le comprendre. La réussite des territoires ruraux ne sera possible qu’avec un mouvement cohérent en synergie avec les zones urbaines. Ruraux et urbains doivent désormais se donner la réplique : entrer dans un mouvement binaire équitable qui, pour l’heure, n’est pas équitable.
Afin d’éviter tout système inégalitaire irréversible, il faut donc bâtir avec urgence et pragmatisme les nouveaux contours des interactions ruraux / urbains ; donner un statut particulier aux territoires ruraux (comme ce peut l’être pour la montagne) ; laisser aux communes la liberté de s’administrer et mettre un terme à cette obsession politique permanente de vouloir les faire disparaître ; doter les milieux ruraux des mêmes moyens financiers que les villes voire même plus ; privilégier l’investissement et l’innovation économique en territoire rural ; assurer une parfaite équité territoriale des nouvelles technologies de l’information et de la communication…
« La France périphérique » est de longue date la grande oubliée des politiques publiques. Les habitants des zones rurales expriment un sentiment d’abandon et sont inquiets pour leur avenir et celui de leurs enfants. Ces frustrations, de plus en plus grandes, alimentent un vote protestataire que l’on a pu, dernièrement encore, observer dans de nombreuses petites communes rurales. Il est à souhaiter, dans ce contexte, que la ruralité soit placée au cœur des enjeux politiques nationaux de ces prochains mois.
Franck Duval (article paru dans la presse locale)