Victor Hugo disait que « la rue est le cordon ombilical qui relie l’individu à la société ». Qui pourrait en effet ignorer que la richesse de nos rues vient d’abord des commerçants qui les animent, de la vitalité du cœur de ville, qui en font un cœur battant !
Nul ne peut le contester. Pour autant, ces quinze dernières années, certains cœurs de ville souffrent, parfois sont menacés. Cette situation dégradée a des origines multiples, mais, de toute évidence, n’est pas inéluctable.
De nouvelles tendances se dessinent, des intentions de vie différentes s’expriment, dans un contexte social, économique, sanitaire, commercial, qui semble porter un nouveau regard sur la ville.
« Le XXIème siècle sera celui des villes ». Cette maxime en forme de prophétie, devenue désormais réalité, se confirme un peu plus chaque jour. Les villes constituent le creuset de nos profondes transformations.
Et si le monde qui est le nôtre change si profondément, c’est peut-être parce que nous ressentons, collectivement, la nécessité de penser et d’agir autrement.
Petites et grandes villes, milieu rural, ne sont pas exclus de cet élan. Ils en sont, bien au contraire, le porte-voix, font preuve d’une audace remarquable et insufflent une réelle dynamique d’innovation.
Preuve qu’il n’y a pas de fatalité, s’il fallait cristalliser ce qui les anime, on pourrait dire qu’ils partagent une hyper-conscience de l’avenir, doublée de la conviction que tous peuvent inventer « autre chose » : les habitants, les pouvoirs publics, les artisans et entreprises, les commerçants, les paysagistes et architectes…. Il n’est pas une discipline dont la ville de demain ne reconnaisse la participation et l’intelligence.
Il est cependant un fait certain. L’attractivité d’un centre-ville réside prioritairement dans sa capacité à se démarquer, à créer une ambiance urbaine particulière, à créer de la convivialité, à proposer de nouveaux services.
Les centres villes qui réussissent sont ceux qui savent prendre des initiatives, faire preuve d’originalité, de créativité : les collectivités locales, les associations de commerçants, les commerçants eux-mêmes, ont toute leur place à prendre dans cette perspective. Les initiatives commerciales, d’aménagements urbains, touristiques, culturelles et patrimoniales, les transitions numériques…. constituent à cet effet un chemin fécond pour saisir les principaux changements à l’œuvre dans la ville et contribuer ainsi à la reconquête des cœurs de ville.
Souhaitant tirer profit de mes engagements pour Sarlat, un réseau institutionnel du Grand Sud-Ouest m’a sollicité afin de réfléchir, à ses côtés, sur les moyens pouvant être mobilisés pour renforcer l’attractivité des cœurs de ville.
Près de 100 pistes d’action ont pu être identifiées.
On retrouvera ci-après des propositions d’actions pouvant être prises par les collectivités locales.
– Mettre en place une taxe sur les commerces vacants : si le local est vacant depuis deux ans, taxe de 10 % puis 20 % à partir de la troisième année ;
– Soutenir l’implantation de nouveaux commerces et activités à l’année dans des locaux vacants depuis plus de 3 mois dans les secteurs des métiers de bouche, de l’équipement de la personne, la maison, les loisirs et la culture : prise en charge par la collectivité de 50 % du loyer la première année, 30 % la deuxième année et 10 % la troisième année ; exonération partielle de la taxe foncière à hauteur de 30 % la première année, 20 % la seconde et de 10 % la troisième année ;
– Réserver des locaux municipaux pour y installer des commerces éphémères (3 à 6 mois) et donner ainsi à des porteurs de projets l’opportunité de tester leur concept commercial ;
– Aménager un local municipal pour y accueillir une « boutique des métiers d’art » ;
– Mettre en place un observatoire du commerce local afin de fluidifier l’information et les échanges entre tous les auteurs en particulier sur le foncier commercial (association commerçants / CCI / Chambre des Métiers / Mairie / CDC / agences immobilières….) ;
– Créer un Office de commerce et de l’artisanat pour accompagner, développer et stimuler l’activité commerçante ;
– Soutenir la proposition formulée par l’Association des Maires de France d’alléger la fiscalité pesant sur les commerces de proximité ;
– Contribuer à la redynamisation des marchés en hiver par l’exonération des droits de place au profit des commerçants non sédentaires durant cette période ;
– Soutenir les commerçants non sédentaires, producteurs locaux saisonniers, par la mise en place d’un tarif abonnement à leur attention ;
– Mettre en valeur les producteurs locaux non sédentaires par une signalétique identitaire (« production locale ») ;
– Pour libérer le plus de stationnements possible à proximité du cœur de ville les jours de marché, obligation pour les commerçants non sédentaires de stationner sur les parkings gratuits périphériques ;
– Mise en place d’opérations programmée d’amélioration de l’habitat (OPAH) en centre-ville afin de rendre disponibles de nouveaux logements à proximité des commerces ;
– Recruter un agent de développement économique en charge également du cœur de ville ;
– Accompagner l’arrivée en centre-ville de 2/3 nouvelles enseignes / franchises nationales ;
– Soutien de la collectivité à l’installation ou la modernisation des commerces à hauteur de 5 % du montant des travaux avec un montant minimum de 1 000 euros et un maximum de 3 000 euros ;
– Lancement d’une marque territoriale pour renforcer l’attractivité des produits locaux ;
– Adhésion et participation à « la journée nationale du commerce de proximité, de l’artisanat et du centre-ville » (JNCP) ;
– Obtenir le label national « Commerce de proximité dans la ville » ;
– Mettre en place un wifi public accès gratuit en centre-ville ;
– Tester hors saison touristique des journées sans voitures, centre-ville 100 % piétons ;
– Organiser un partenariat étroit entre le commerce de moyenne et grande surface et les commerçants du cœur de ville ;
– Participer au palmarès PROCOS (fédération pour la promotion du commerce spécialisé) des centres-villes commerçants ;
– Lancer une campagne de communication mettant en valeur tous les aspects positifs du stationnement ;
– Diffuser un document de communication à tous les habitants du territoire, présentant les nouvelles initiatives pour le commerce de centre-ville ;
– Maintenir et développer des services publics de proximité en centre-ville ;
– Mettre en œuvre un plan vélo permettant une mobilité douce en centre-ville ;
– Mettre en place une opération « d’habillage des vitrines vides » par l’application d’un dispositif de « stickers » trompe l’œil en accord avec les propriétaires ;
– Organiser une « rencontre café » mensuelle avec les commerçants du centre-ville tous les premiers lundi du mois ;
– Mettre en place une nouvelle signalétique des parkings (indiquant la distance et le temps de marche vers le centre-ville) ;
– Réaliser de nouveaux parkings de proximité ;
– Développer la vidéo-protection ;
– Améliorer la salubrité dans le cœur de ville (dispositif de contrôle des dépôts sauvages / installation de cendriers et de distributeurs de sacs déjections canines de rue en partenariat avec les commerçants) ;
– Valoriser les espaces publics du centre-ville par l’implantation de nouveaux mobiliers urbains (fontaines / bancs / arceaux vélo….) ou la plantation de nouvelles espèces végétales ;
– Ouvrir un tiers-lieu dans un local situé en centre-ville ;
– Initier la création d’un espace de coworking dans le cœur de ville avec un espace vidéo pour les jeunes ;
– Proposer des expositions artistiques dans les rues typiques du centre (« l’art dans la rue ») ;
– Réhabiliter, en centre-ville, un immeuble municipal pour y installer des professions médicales ;
– Organiser, toute une semaine, dans les rues du centre, une exposition de cartes postales anciennes des commerçants dans les années 1900 ;
– Stimuler l’investissement en centre-ville en supprimant la Tascom sur le périmètre du centre-ville ;
– Lancer une application mobile sur les commerces de centre-ville, les périodes de soldes, l’actualité de la semaine… ;
– Développer des expérimentations éducatives dans le secondaire et le supérieur ;
– Installer des bornes interactives de nature à améliorer l’information des usagers fréquentant le centre-ville (« à voir » ; « à faire » ; « à la une » ; « les offres commerciales » ; « le plat du jour »….) ;
– Mettre en place une signalétique commerciale originale et identitaire ;
– Aménager de façon originale une place centrale du cœur de ville qui en fait un lieu d’attractivité fort : espace végétalisé ; mur végétal ; brumisateur diffusant des gouttes d’eau rafraîchissantes pour les passants ; jets d’eau musicalisés et mis en lumière le soir… ;
– Mettre en place un mécénat des entreprises pour financier des travaux de modernisation des petits commerçants (assorti d’une déductibilité fiscale pour les donateurs) ;
– Créer une « pépinière commerciale » en centre-ville : la collectivité aménage un espace foncier pour y installer plusieurs commerçants. En contrepartie d’un loyer modéré les 3 premières années, les commerçants s’engagent à pérenniser leur implantation locale au-delà de cette période sinon ils honorent une pénalité de loyers.
Au même titre que les collectivités municipales, les commerçants et les associations de commerçants peuvent également occuper un rôle important pour participer à la dynamisation de leur cœur de ville. Des actions mobilisatrices sont ici proposées, illustrant les initiatives susceptibles d’être prises en ce sens.
– Réaliser une enquête/diagnostic de satisfaction des clientèles ;
– Lancer une campagne de communication « Achetez chez les commerçants de centre-ville » ;
– Créer un label, « Commerce de proximité, au service des consommateurs du territoire » ;
– Mettre en place un « Chèque service » proposant gratuitement en échange la prise en charge par le commerçant du ticket de stationnement ou de transport en commun ;
– Mettre en place un cycle de formation « J’apprends à mieux connaître ma ville pour mieux accueillir mes clients » ;
– Initier la tenue d’un nouvel évènementiel en centre-ville, « la semaine commerciale », avec les commerçants et des animations nouvelles ;
– Engager une réflexion sur la modularité des heures d’ouverture des commerces de centre-ville (entre 12 et 14h/ les jours fériés et dimanches / en nocturne) ;
– Adhérer au dispositif « jeloueuneboutique.com » afin de mieux faire connaître les disponibilités de locaux sur une plate-forme nationale ;
– Créer un support de communication écrit valorisant les commerces de centre-ville avec des bons de réduction ;
– Créer un marché aux plantes et aux fleurs dans le cœur de ville de mars à juin, deux fois par mois, avec les enseignes et les producteurs locaux ;
– Organiser des tombolas de centre-ville ;
– Organiser un vide dressing géant sur la place centrale ;
– Organiser des brocantes thématiques (arts de la table / décorations anciennes /draps et linges anciens….) ;
– Lancer, en avant saison, une « nocturne des commerçants du cœur de ville » (balade nocturne aux lampions / grillades sanglier / feux St Jean….) ;
– Mettre en place un nouvel événementiel « La journée des métiers d’art » (un dimanche hors saison) ;
– A Noël, créer un jeu numérique interactif autour des vitrines des commerçants ;
– Organiser un salon plein air/côté jardin en centre-ville avec les professionnels du jardin se trouvant en périphérie ;
– Lancer une chasse aux trésors nocturne en lien avec les commerçants ;
– Créer un jeu « Trouvez l’erreur » : des anomalies sont dissimulées dans les vitrines des commerces (cacher un stylo chez un parfumeur) et font gagner des bons d’achat ;
– En lien avec les associations de danse, organiser, en hiver, une soirée « flashmob » avec vin et marrons chauds ;
– Le temps d’un week-end, installer sous chapiteaux ou dans un local vide un espace ludique en direction des jeunes (simulateur de conduite F1, flipper, jeux vidéo) ;
– Durant un week-end prolongé, organiser un « mapping promo » : le soir diffusion de vidéos ludiques sur les murs du centre-ville avec projection de promos chez les commerçants ouverts ;
– Organiser une nocturne concert avec diffusion sur écran géant d’un concert de musique gratuit ;
– Journée « idoles des jeunes » : faire se promener dans les boutiques et rues du centre-ville les sosies ou mascottes de Jack Sparrow, Bugs Bunny, La Reine des neiges qui peuvent se prêter à des séances de dédicaces ou de distribution de flyers promotionnels ;
– Organiser un « Salon de l’enfant » avec des stands de commerçants et des activités pour les jeunes (vêtements de sport, jeux vidéos, compétitions de jeux, loisirs créatifs, code de la route…) ;
– Animation « Graph collectif » pendant une semaine dans le cœur de ville sur drap blanc tendu ;
– Sur une opération commerciale, déambulation d’hôtesses d’accueil en roller dans le cœur de ville ;
– Créer un jeu « Trouvez l’objet » : il s’agit de trouver et de gagner l’objet caché dans la vitrine d’un commerçant ;
– Soirée(s) exposition artistique dans la rue ;
– En hiver, organiser des matinées soupes traditionnelles les jours de marché offertes par les commerçants ;
– Organiser, au moment des vendanges, un salon des vins ;
– « Utiliser » les grands évènements nationaux pour organiser localement des évènementiels pérennes dans le cœur de ville (fête des fleurs ; fête du printemps ; journée de la solidarité…) ;
– Proposer, le temps d’un week-end, un salon des voitures et motos anciennes ;
– Organiser, en lien avec les associations, la « Journée du Sport », avec des démonstrations en centre-ville de sports, en particulier en direction de la jeunesse ;
– Durant un mois, dans la vitrine d’un commerce vacant de centre-ville, organiser un jeu, « le juste prix » : des articles des commerçants sont exposés / les promeneurs consommateurs doivent en estimer le prix pour la gagner ;
– Organiser, chaque année, une course des garçons de café ;
– Une idée originale à initier : « les rébus du centre-ville ». Pour jouer, les consommateurs se voient proposer de déchiffrer des rébus sur les vitrines des commerces. Un évènement thématique, comme par exemple des répliques de films lors de la fête du cinéma ;
– « Reconnaissez-vous votre commerçant ? Un jeu où les participants doivent identifier leurs commerçants sur des photos prises lorsqu’ils étaient enfants. Une bonne manière de développer le lien social (et commercial !) ;
– Un record du monde : toute une ville se mobilise pour réaliser au pays de la fraise, la plus grande tarte au monde ; au pays du cassoulet, le plus grand cassoulet offert ensuite à la dégustation de tous ;
– « Faites tourner la roue » : au cœur du centre-ville, une roue est installée. Les commerçants distribuent des tickets donnant accès à cette roue permettant aux clients de gagner des bons de réduction ;
– Pour drainer la clientèle sur une période horaire peu fréquentée, organiser par exemple « la promo de midi » : entre midi et 14h, le vendredi des promotions sont offertes chez une majorité des commerçants ;
– Le « photo corner » : lors d’une fête annuelle ou d’un évènement local (festival du théâtre), offrir à la clientèle de centre-ville de venir se faire photographier dans un décor de théâtre situé dans une rue commerçante ;
– Installer des bornes tactiles proposant des quiz permettant de gagner des chèques-cadeaux valables auprès des commerces de centre-ville ;
– « La cuisine des chefs » : deux week-ends par an, dans le cœur de ville et devant des commerces en lien avec le sujet, sont organisés, des ateliers démonstrations de cuisine.
– « Les jeudis des commerçants » : de mai à septembre, tous les commerçants sont ouverts jusqu’à 20h et offrent un jeton « apéro » pour tout achat réalisé entre 18h et 20h ;
– Tous les premiers samedis du mois, ville commerciale : des animations différentes chaque mois : tombola ; exposition ; le produit du mois soldé…
Créer un souffle nouveau ne relève pas de l’impossible mais nécessite, à coup sûr, de se « retrousser les manches » !
En ayant conscience que la revitalisation du cœur de ville n’est pas seulement une exigence économique et commerciale. C’est aussi un besoin social.